Au cours du webinaire Cultiver le changement organisé par le Réseau pour une alimentation durable, plus précisément lors de la séance Leçons tirées des programmes d'alimentation scolaire menés par les communautés autochtones, qui a eu lieu le 17 novembre, les participants ont eu l'occasion d'écouter quatre organisateurs d'alimentation scolaire qui ont à coeur la souveraineté alimentaire autochtone et qui la placent au premier plan de leurs programmes. En tant que chercheuse non-autochtone, j'en ai retiré des enseignements considérables. Vous trouverez ci-dessous un résumé des présentations :
Terri-Anne Larry, directrice, École Natoaganeg Mi'kmaq (00:06:56)
À l'école Natoaganeg, située dans la Première nation d'Eel Ground (Nouveau-Brunswick), les expériences des survivants des pensionnats sont à la base du processus de guérison. Les survivants portent toujours des histoires traumatisantes qu’ils ont vécues, et de nombreux autochtones continuent à faire le point concernant leur relation à la nourriture. L'école sensibilise les élèves à la nutrition en tant qu'acte de réconciliation :
« Il est logique que nous enseignions la nutrition et la santé de l'esprit, du corps et de l'âme comme un acte de réconciliation. Nos survivants ont longtemps été mal nourris et, dans de nombreux cas, affamés. Bien nourrir et enseigner à nos étudiants doit se faire au nom de la guérison et de notre relation à la nourriture ».
La cafétéria de l'école est une oasis de sérénité : une murale peinte par un artiste local mi’kmaq présente les animaux du territoire ainsi que les médecines traditionnelles. Leur programme, Kelulk Mijipjewey - We Eat Good Food, offre aux élèves une multitude d'expériences alimentaires, notamment la préparation et le service de repas lors de rassemblements avec les aînés et les bénévoles, l'entretien du jardin scolaire, le lundi mi'kmaq où les élèves sont encouragés à porter des habits de cérémonie et au cours duquel on sert des aliments traditionnels, et où les élèves plus âgés participent à une cérémonie de sudation avant la fête des récoltes. Leurs programmes associent autant que possible les cérémonies spirituelles et les événements communautaires à leurs festins. À l'avenir, lorsque les règlements entourant la COVID-19 le permettront, le programme devrait inclure la participation des élèves à la pêche et à la préparation de gibier sauvage comme l'orignal.
Katherine Alexander, Direction de l'éducation des Premières nations du Yukon (YFNED), directrice des politiques et de l'analyse ; Melanie Bennett, Direction de l'éducation des Premières nations du Yukon | (00:36:34)
La Direction a travaillé avec les quatorze Premières nations du Yukon pour créer un service de nutrition universel, en s’assurant que chaque élève ait accès à une alimentation de qualité grâce à un financement assuré par le principe de Jordan.
Ce financement leur a permis de travailler avec chaque communauté des Premières nations afin de leur fournir les services dont elles ont besoin, en tenant compte de toutes les valeurs clés de l'égalité matérielle : l'autodétermination, la culture et la langue, la non-discrimination, les interventions structurelles et l'approche holistique, sans oublier que la nourriture constitue le lien central entre tous ces éléments. L’objectif de la YNFED est d’en arriver à « un contrôle unifié sur l'éducation des Premières nations afin que nous puissions favoriser l'autonomie de notre peuple dans nos modes de connaissance et préparer nos enfants à participer activement au monde actuel ». Le YNFED est une nouvelle organisation des Premières nations créée par la table des dirigeants du Conseil des Premières nations du Yukon et est régie par le Comité des chefs sur l'éducation. Il était important pour la YNFED que le service universel de nutrition soit dirigé par les autochtones et piloté par les communautés, considérant que ce sont eux qui savent le mieux de quels services ils ont besoin.
Gray Oron, co-fondateur de Fresh Roots et responsable du projet à Suwa'lkh school | (00:58:12)
Fresh Roots s'identifie comme une organisation blanche qui reconnaît les dommages que l'école et l'agriculture ont fait à la terre et aux populations autochtones et qui travaille à la réconciliation en écoutant, partageant la nourriture et protégeant le territoire. À Suwa'lkh, on utilise des styles d'apprentissage issus des manières d’être et de connaître des premiers peuples et on tente de mettre en relation les jeunes de diverses nations avec leurs traditions et leurs terres. Leur programme comprend un programme de culture de plantes indigènes ; un programme « saumon en classe » où les élèves élèvent des saumons et les relâchent dans la rivière, puis partagent ensuite une cérémonie et un repas avec les aînés ; la production alimentaire dans leurs jardins ; des cours sur le terrain, axés sur la connaissance de la nourriture ; et plusieurs autres activités qui permettent de créer des liens avec la nourriture avant que les aliments ne se retrouvent dans les assiettes des élèves.
Tanya Senk, directrice centrale, Centre d'éducation autochtone urbain du TDSB et directrice de Kapapamahchakwew-Wandering Spirit School | (01:20:00)
L'école Wandering Spirit développe une programmation qui englobe la vision de l'autodétermination par le biais de l'éducation autochtone. Le programme est ancré dans le savoir autochtone et guidé par les aînés, l'engagement communautaire y tient une place centrale. C’est une occasion pour les élèves d'étudier les défis liés à l'alimentation auxquels les peuples autochtones ont été confrontés et auxquels ils font encore face aujourd’hui. Certains défis se présentent lorsqu’on aborde la souveraineté alimentaire autochtone dans un centre urbain, mais ce programme permet d’engager les élèves à apprendre et à se reconnecter à la terre, en plus d’employer deux chefs autochtones et d’être associé à des universités et des écoles secondaires pour offrir de nouvelles possibilités d'apprentissage. Tanya énonce que la souveraineté alimentaire autochtone cherche à « remettre le savoir autochtone dans les mains des peuples autochtones, en ouvrant la voie et en transmettant ce savoir d'une génération à l'autre ».
La souveraineté alimentaire autochtone et les initiatives menées par les communautés sont des étapes cruciales de la réconciliation. Comme l'a partagé Tanya, la souveraineté alimentaire autochtone « tente de s'attaquer aux causes profondes de la colonisation » et « afin d'examiner les fondements idéologiques de la souveraineté alimentaire, nous devons également comprendre la relation très étroite avec la Terre mère et l'alimentation ». Nous remercions tous les participants d'avoir partagé leurs connaissances et leurs points de vue sur un sujet aussi important. L'enregistrement complet de cette table ronde est disponible ici (webinaire en anglais, la traduction simultanée n'est pas disponible pour l'enregistrement).
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